Exposition
MUSUBI
1 décembre 2022 - 15 janvier 2023

Le nouvel an japonais, traditionnellement associé à une image de sobriété et à des rites de purification, voit les devantures des habitations se couvrir de nœuds de toutes sortes : des cordes de paille de riz torsadées, des cordelettes de papier blanc et rouge, nouées ou liées de manière plus ou moins complexe. Ils évoquent, comme en miniature, les imposantes cordes tressées (shimenawa) suspendues dans les sanctuaires shintō pour délimiter symboliquement l’enceinte du lieu. Ces nœuds et liens servent avant tout à départager le sacré et le profane. Le nom japonais désignant cette frontière, kekkai, contient d’ailleurs sémantiquement le concept de nœud, exprimé par le verbe musubu (nouer, lier, conclure). L’étymologie associe le verbe musubu aux substantifs musume (fille) et musuko (fils) : l’association complémentaire des contraires donne naissance à un nouvel être qui porte l’esprit intemporel hérité des anciens. Cette relation sémantique fondamentale entre le nœud et la naissance se retrouve non seulement sur le plan lexical (et de ce point de vue le résultat, la conclusion sont des naissances, tout autant que les mariages et les associations et sociétés de toutes sortes), mais aussi dans la plupart des pratiques et des lieux constitutifs de la société japonaise. Depuis les coiffures traditionnelles (shimada-mage) et le vêtement (le kimono tout autant que la ceinture des lutteurs de sumo) jusqu’aux emballages dans leur variété foisonnante (le furoshiki – la technique de nouage des tissus à des fins d’emballage – ou encore le mizuhiki – l’art des cordelettes de papier tressé), en passant par les aliments (les rouleaux d’algues fourrés au poisson, ou encore les boulettes de riz justement nommées omusubi), la pratique quotidienne du nœud emprunte ses formes à la symbolique ancestrale de la naissance. Ce lien symbolique se trouve renforcé par la similarité des cordes tressées avec l’accouplement des serpents, image fondamentale s’il en est, dans la mesure où ces animaux sacrés étaient considérés comme des envoyés divins. Cette symbolique a fait l’objet de nombreuses études ethnologiques au Japon, où des monographies ont été consacrées au nœud. Or la culture du musubi n’est pas uniquement un vestige du passé ; telle qu’elle se perpétue dans les cordes tressées du nouvel an, c’est aussi un surprenant réservoir de formes. La combinaison de diverses techniques du nœud, de l’association de matériaux hétérogènes plus ou moins transformés par l’homme (la paille de riz torsadée, le papier, les cordelettes de papier) avec une symbolique riche stimulent l’imagination formelle. Loin de se réduire à une pratique traditionnelle immuable, elle se prête à une réinterprétation contemporaine, et constitue un exercice exigent pour quiconque voulant s’essayer à une pratique élémentaire du design. Pour la fin de l’année et le nouvel an, présente une collection de pièces originales réinterprétant la culture du musubi – autant de liens unissant le passé au présent et l’est à l’ouest, et pointant vers un ailleurs géographique, temporel et symbolique.